Madame, monsieur,
Les travaux des experts en mobilité et en sécurité routière de la Fédération Inter-Environnement Wallonie (IEW) et de Parents d’Enfants Victimes de la Route –SAVE asbl (PEVR) viennent de trouver un intéressant écho dans les propos éclairés et courageux de monsieur Xavier Daffe, rédacteur en chef de la plus connue des revues automobiles en Belgique, le Moniteur Automobile. Ceux-ci ont été écrits au cœur des campagnes publicitaires des constructeurs qui sont d’autant plus intensives que le Salon de l’automobile n’a pu se tenir cette année. Ce contexte particulier nous incite à vous adresser cette lettre ouverte.
Mais laissons d’abord la parole à monsieur Daffe[1].
« Mais pourquoi donc, dans un contexte de transition environnementale[2] (…) les constructeurs s’ingénient-ils encore à développer des voitures électriques (ou électrifiées) de 400, 500 ou 600 ch, voire plus encore? Le plus souvent sur des architectures de SUV dont la pertinence rejoint celle qui consisterait pour moi à donner des cours de pilotage à Valentino Rossi[3]! Quelle est donc cette folie qui consiste à mettre sur le marché des engins électriques ou hybrides rechargeables de plus de 2 tonnes dont la puissance délirante sert au mieux à mouvoir cette masse, au pire ne sert… à rien dans un contexte de zones 30 qui se généralisent? Franchement, au-delà de la caricature, l’intérêt sociétal me dépasse ». Et il poursuit : « En 2013, j’essayais (…) une XL1 pesant 795 kg malgré sa technologie hybride rechargeable, associant un bicylindre Diesel de 800 cm3 de 48 ch et un moteur électrique de 27 ch, affichant une consommation de… 1 litre/100 km (soit environ 26 g/km de CO2). Le Cx n’était que de 0,186, une valeur infiniment plus avantageuse sur le plan du rendement que celle des SUV actuels, tout électrifiés qu’ils soient. À l’époque, ce petit proto était déjà capable de parcourir environ 50 km en mode 100% électrique. Soit autant que les hybrides rechargeables actuels. Où est donc le progrès? À quel moment s’est-on pris les pieds dans le tapis? Ne serait-il pas temps de revenir à la raison et de se dire, comme le disait un certain Colin[4], que le poids, c’est l’ennemi ? »
Ces propos, concrets, francs et précis à la fois – partagés, nous en sommes convaincus, par de nombreux expert en automobile – font écho au concept de LISA Car (Light and safe car) développé en 2014 par IEW et PEVR . Ce concept :
1) consiste dans la promotion d’une voiture légère, raisonnablement puissante et rapide et au profil plus fluide. ;
2) a pour objectif la mise en place d’un cadre réglementaire limitant précisément la masse, la puissance et la vitesse des voitures ainsi que l’agressivité de leur face avant.
Par ailleurs, dans une logique de transition vers un modèle de mobilité durable, la motorisation des LISA Car sera de préférence électrique et leur utilisation se fera dans une logique de partage. Le second point constitue l’originalité de notre démarche : devant l’incapacité de l’industrie automobile à modifier ses orientations pour relever les défis du climat, de la santé publique et de la sécurité routière[6], nous avons élaboré une série de recommandations précises à destinations des responsables politiques, adaptée aux différents niveaux de pouvoir, depuis la commune jusqu’à l’Union européenne[7]. L’action politique a en effet la capacité d’accompagner l’industrie automobile dans une nécessaire reconversion prenant en compte non seulement l’intérêt sociétal actuel et futur, mais aussi, nous en sommes convaincus, l’intérêt industriel.
Un appel pour une régulation du marché automobile en faveur des (e)Lisa Car [8]est actuellement signé par 30 organismes (acteurs industriels, ONG d’environnement et de sécurité routière, acteurs de la transition, …) et plus de 200 citoyen·nes dont de nombreux·ses expert·es en mobilité, en sécurité routière, en environnement et en développement durable. Nous avons par ailleurs reçu de nombreux signes d’intérêts pour les propositions que nous avançons, notamment de la part d’experts en ingénierie automobile et de mandataires politiques à tous niveaux de pouvoir.
L’actualité du début du mois de janvier est traditionnellement largement consacrée aux questions de mobilité et d’automobile. Bien que Salon de l’auto ait été reporté d’un an en raison de la pandémie, ce mois de janvier 2021 ne déroge pas tout à fait à la règle. Les constructeurs, sous la conduite de la Febiac, ont en effet développé une impressionnante campagne de communication. Sans surprise, une grande partie (pour ne pas dire la majorité) des modèles promus par les différentes marques est de type SUV, soit l’archétype de l’anti LISA Car.
Aussi tenons-nous à insister sur l’importance de sortir de la tendance dénoncée par monsieur Daffe et de passer des signes d’intérêt pour le concept de LISA Car à la mise sur pied des avancées concrètes vers cette nécessaire réorientation de la production automobile. Au cœur de ces recommandations, la prise en compte du poids : Light is right !
Nous nous tenons à votre entière disposition pour vous présenter nos suggestions d’actions politiques aux niveaux communal, régional, fédéral et européen.
Dans l’attente, recevez nos salutations respectueuses,
Sylvie Meekers, Directrice générale, Fédération Inter-Environnement Wallonie asbl
Koen Van Wonterghem, Administrateur délégué, Parents d’Enfants Victimes de la Route –SAVE asbl
Contacts presse :
Pierre Courbe, chargé de mission mobilité, IEW, +32 87 77 58 16
[1] Mais pourquoi donc ? Edito du Moniteur Automobile rédigé le 06/01/2021, https://www.moniteurautomobile.be/actu-auto/edito/mais-pourquoi-donc-2021.html?
[2] Nous soulignons.
[3] Pilote italien de vitesse moto, 9 fois champion du monde – NDLR.
[4] Référence à Colin Chapman, fondateur de la marque automobile Lotus, ingénieur qui a tenté d’appliquer à l’automobile les principes aéronautiques dont principalement la légèreté. « Light is Right » aimait-il dire – NDLR.
[5] Un site internet est entièrement dédié à ce concept : https://www.lisacar.eu
[6] Incapacité déjà relevée en 1991 par la Conférence Européenne des Ministres de la Mobilité : CEMT. 1992. 38e Rapport Annuel – 1991. Activité de la Conférence. Résolutions du Conseil des Ministres des Transports et Rapports en approuvés en 1991. Paris : OECD Publishing, p. 144-145
[7] Climat, santé et sécurité : pour un phasing in de l’(e)Lisa Car, https://www.lisacar.eu/wp-content/uploads/2020/05/eLisaCar.pdf
[8] https://www.lisacar.eu/appel-pour-la-production-et-la-promotion-des-voitures-raisonnables/